Timbres et cartes postales sur DELCAMPE

Ny teny marina hoatra ny fia-pary, ka na lava aza, tsy lany hamamiana :
Les paroles vraies sont comme la canne à sucre que l'on mâche: quoiqu'elle soit longue,elle est douce partout.
Les timbres et cartes postales de ce blog sont en vente sur DELCAMPE.net , ci-dessous :

1959 11/11 Meurtre à Anjanamasina,Nosy-Lava



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A cette époque un drame affreux vint endeuiller et ternir le service pénitentiaire.
les autorités judiciaires avaient décidé depuis quelque temps  que le centre de jeune délinquants
d' Anjanamasina devait être en centre de rééducation avec des éducateurs désignés par eux.
La discipline du centre n'était donc plus sous mon autorité et je n'avais plus que la responsabilité de l'intendance et mon ami JUPPEAU celle des jardins.
Il s'ensuivit une absence de gardiennage et M. THOMAS l'éducateur désigné laissait toute liberté aux pensionnaires qui s'absentaient; quelque fois pendant plusieurs jours, pour aller traîner dans les rues de Tananarive.
Une nuit l'un d'entre eux, mécontent d'une réprimande, s'introduisit dans le logement de M. THOMAS, tue celui-ci et poignarde sauvagement son épouse en la laissant pour morte.
Le spectacle découvert au petit matin présentait un spectacle effroyable.J'en fus immédiatement averti et me rendis sur le champ sur les lieux du crime.Je ne pouvais rien faire d'autre que d'en saisir la justice.
Le laxisme des magistrats qui avaient décidé cette nouvelle gestion était le grand responsable de ce carnage.

......

Le 10 décembre tout semblait s'arranger à Nosy-lava, malgré une lettre décousue sur un serveur du directeur et le 21 décembre je recevais une longue lettre sur l'aménagement général du camp :

.....

J'ai trouvé une solution élégante pour me débarrasser due l'ancienne boyerie qui en fait était composée des choux-choux de mes prédécesseurs. Je vais les expédier à Nossi-Bé.Dans le nombre il y aura mes deux boys et mon cuisinier qui commençaient à se croire indispensables. Deux boys de GESLIN seront également du voyage, ainsi que celui que s'était octroyé RAMBELOSON du temps de
tous ces détenus remplissent les conditions exigées puisqu'ils n'ont en cours aucune punition depuis longtemps.
Cette opération est considérée officiellement comme une mesure de faveur à leur égard, et , puisque de mon coté je les ai assez vus,  tout est pour le mieux.Je compléterai  l'équipe par quelques braves bougres.D'ailleurs la liste vous est adressée par le même courrier.
Avenue de l'indépendance
à
Antananarivo
(Auparavant : Avenue de la libération
Tananarive)
L'inspecteur-greffier RAMBELOSON m'a confirmé son intention de demander sa mutation pour Tananarive.Vous pensez bien que je n'ai pas essayé de l'en dissuader.




....
(fin page 23)


Pour vos archives : une lettre du célèbre RANDRIAMANJANA Paul auteur du coup de couteau ayant déclenché un début de révolte quelques jours après mon arrivée à Nosy-Lava.
Lettre saisie par l'ancien boy de mon prédécesseur. Je n'en comprends guère le texte mais la fin m'intrigue énormément.
Le "Ferdinand" est le boy qui nous a servi lors de votre passage ici et que j'expédie à Nossi-Bé :



  • Monsieur le directeur,
J'ai très respectueusement l'honneur de vous adresser la présente sollicitant de votre haute autorité pour vous demander de bien vouloir m'accorder une chance pour éviter la suite fâcheuse de l'agression dont j'ai été victime.
Je vous en supplie ,monsieur le directeur, Pitié ! Délivrez moi ! Ne me laissez pas périr. Songez au service dont j'ai rendu à l'administration pénitentiaire. Je suis à vous !.
Je vous jure ma parole de gentilhomme que j'ai pris ma ferme résolution de me conduire tel que j'étais autrefois car j'ai tellement envie d'être libre pour que je puisse courir à la recherche du bucéphale de mon rêve !


....


Le 21 décembre je recevais une lettre de Nosy-Lava commentant le drame d'Anjanamasina :

J'ai appris avec peine mais sans surprise ce qui est arrivé à mon collègue d'Anjanamasina.Avec l'évolution actuelle nous sommes tous exposés à subir le même sort. c'est tout juste si les rôles ne sont pas inversés et si les prisonniers ne nous commandent pas.J'éprouve toujours un serrement de coeur lorsque je vois certains membres des différentes commission s'enquérir auprès des assassins si ils sont bien soignés.
je vous ai signalé, il y a déjà un certain temps, mes appréhensions concernant la disproportion  entre l'effectif des détenus et celui des gardiens.En cas de soulèvement brutal des prisonniers nous serions submergés en quelques minutes. Lorsque les agents ont terminé leur service,ils sont tenus de remettre leurs armes au chef de poste qui les renferme dans une armoire. Ce qui revient à dire que les détenus, une fois maîtres du poste , ne trouveraient plus aucune résistance.
Je me demande au cas ou nous serons tous zigouillés , si vous ne risquez pas t'être tenu pour responsable . Je sais qu'un agent ne doit pas avoir à surveiller plus de 10 prisonniers alors qu'à Nosy-Lava , lorsque les détenus annoncés seront là, chaque agent en aura plus de 35 à sa charge.
Avec quelques gardiens de plus, je pourrai organiser une patrouille de nuit qui augmenterai la sécurité.
Enfin inch'allah !
Par ailleurs en ce qui concerne la construction du terrain d'aviation, il m'est impossible de vous envoyer un rapport sur cette affaire, vu que je l'ignore totalement. Un jour j'ai vu arriver un type  se disant envoyé par les T.P. m'annonçant qu'il allait faire un relevé du futur terrain d'aviation.
Depuis plus rien.
J'ai appris incidemment il y a quelques jours , par le chef de district,  que les habitants de Mahabo avaient adressé une pétition au député BEHAVANA protestant contre l'installation dudit terrain, car pour le faire il fallait détruire des cocotiers.Je ne suis pas du tout dans le circuit.
Vous m'annoncez une cinquantaine de nouveaux détenus. Comment pourrais-je les nourrir ?
Je vous ai fait savoir que notre stock de riz ne nous conduirait que vers la mi-janvier ( en comptant avec 400 détenus et non 450).Pouvez-vous me rassurer à ce sujet ?


(fin page 24)

Pendant que nous parlons de riz, je vous rappelle que je vous ai déjà fait part des difficultés rencontrées par le personnel pour se procurer cet aliment de base.
Je pense qu'il serait sage de passer un marché pour un contingent beaucoup plus élevé de façon à pouvoir revendre du riz aux agents.
La chambre froide doit être révisée entièrement, ayant été négligée pendant des années. La viste d'un spécialiste s'impose. Tout ce qui est : joints, presse étoupe etc.  est complètement pourri. L'installation électrique était faite en dépit du bon sens . Je l'ai faite refaire entièrement par COURT.
J'espère que nous serons dépannés sans tarder car la chaleur est terrible en ce moment, le poisson et la viande se gâtent en quelques heures d'ou l'impossibilité absolue de faire quelques réserves.
A part ces petits soucis, le moral est bon.
J'espère que vous m'enverrez bientôt des gardiens triés sur le volet et que vous me débarrasserez de mes caricatures.
Décidément vous m'aurez laissé souffrir jusqu'au bout avec l'affreux MANANJARY.


L'année 1959 s'achève et la mise en place de la nouvelle organisation est terminée.
Les difficultés furent nombreuses mais je reçus beaucoup de lettres personnelles qui m'encouragèrent et pour lesquelles je donnai toujours une suite.
Les autres responsables des diverses administrations m'informèrent par la voie officielle mais mon devoir de réserve m'interdit d'en parler.
Seules les archives de mon bureau en sont détentrices.

De toutes les maisons du territoire je reçus de bons voeux pour 1960.

Mon fidèle ami et dévoué collaborateur rené JUPPEAU me fit parvenir le rapport ci-annexé concernant son activité en 1959 concernant les fermes et les jardins pénaux :

(fin page 25)




La correspondance de 1960 va suivre
Après le rapport 1959 de M. JUPPEAU
26 juin 1960 sur cette lettre








1959
FIN




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1960 1/28 TULÉAR

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1960
Début du premier trimestre.


Jeux sportifs de la Communauté Française
13 au 19 avril 1960
avec M. Maurice HERZOG
Cette nouvelle année sera une épreuve décisive pour monter mes capacités à tenir les fonctions qui m'ont été confiées.

Temple à Tananarive
La réorganisation commencée va se poursuivre avec acharnement.

M. RAKOTOMALALA vient d'être affecté à l'administration pénitentiaire pour être mon adjoint.

La création de fermes et de jardins va s'intensifier dans tous les établissements pénitentiaires.

A cet effet je suis aidé et soutenu par mon adjoint René JUPPEAU très qualifié dans l'agriculture  et par tous les inspecteurs provinciaux qui me sont très dévoués ainsi que par quelques chefs de districts.
mais les difficultés sont toujours grandes.

Cathédrale Fianarantsoa
C'est ainsi que le 7 janvier M. LUCAIN m'adressait la lettre suivante :

... Je reconnais qu'à deux reprises je vous ai dit de ne pas vous alarmer mais avouez que depuis ce temps là , la fièvre a monté et que les esprits ce sont échauffés.
La propagande politique pénètre jusque dans les camps des détenus, à propos, je vous remercie pour la note que vous m'avez envoyée concernant les offices religieux.
Elle m'aidera beaucoup pour freiner les abus. J'ai fait traduire l'article 54 au pasteur, mais votre note produira plus d'effets.
Au sujet de l'ivrogne ESAROTRO , la Sécurité Générale a pris l'affaire en mains.Je crois que je serai rapidement débarrassé de cet indésirable : je vous tiendrai au courant. 
Si cet agent ne figure pas sur la liste que je vous ai donnée c'est qu'il ne s'était encore jamais mis dans cet état devant moi.
 J'ai vu au J.O. du 19 décembre 1959 que je pouvais vendre de la nourriture au personnel.
Ils me réclament tous du riz car ils n'en trouvent plus à Analalava . 
Malheureusement il me sera impossible de leur en céder pendant longtemps encore, puisque j'arrive difficilement à honorer la ration des détenus. 
Les 10 tonnes de paddy que je viens de recevoir  n'iront pas loin.
La nomenclature des pièces à fournir subissent de grands changements  je présume que vous allez nous faire parvenir les imprimés nécessaires sans tarder.
Quand pensez-vous pouvoir commencer le recrutement des nouveaux gardiens et me débarrasser enfin des brebis galeuses. J'étais fermement convaincu qu'à partir du 1er janvier 1960 , vous seriez libre de remettre n'importe quel agent à la disposition de la Sécurité Générale et de le remplacer par un gardien. Un commencement d'exécution créerait immédiatement une meilleure ambiance à la maison de force. 
Nossi-Bé
et
Île Sainte-Marie
(cliquez droit)
L'inspecteur RAMBELOSON a deux enfants malades et hospitalisés.
Il demande 15 jours de permission qu'il m'est difficile de lui refuser.
je m'inquiète de ne pas voir venir son remplaçant car si RAMBELOSON part vraiment  le 1er février il n'aura pas le temps matériel de mettre son successeur au courant.
BATOU qui fait fonction d'aide-greffier est une nullité doublée d'un ivrogne.
Sainte Marie
RAMBELOSON est véreux jusqu'au trognon, mais si vous ne pouvez pas faire faire l'enquête que je vous ai demandée, je préfère laisser tomber,car, malgré toutes les preuves dont je dispose, je ne suis pas sur d'avoir raison si l'affaire est mise entre les mains de la Sécurité Générale.
Je donnerais cher pour en être définitivement débarrassé .
Comme je vous l'ai déjà dit, il a toujours trafiqué avec les détenus.
Déjà à Sainte Marie il a été le héros de quelques coups fumants .Il y a quelques jours, un prisonnier est venu se plaindre qu"ayant eu besoin de mille francs il à emprunté  cette somme à RAMBELOSON  et lui a remis en gage une bague d'une valeur de 12.000 francs. aucun papier n'ayant été signé, RAMBELOSON  ne veut rien entendre pour la lui rendre. Comme GESLIN il fournit de quoi boire et fumer aux détenus, moyennant finances bien entendu.
Mélia
Je sais qu'il vend le vin à 150 francs le litre ( il le paie 105) et les cigarettes Mélia 65 francs au lieu de 45.
A l'occasion du 1er janvier , il a vendu des canards à 4 ou 5 détenus, à raison de 200 francs pièce, alors que les mêmes sont vendus de 125 à 150 à Analalava .
C'est la femme d'un agent  à laquelle RAMBELOSON a refusé de céder un canard au cours normal qui a dévoilé le pot aux roses.Interrogés les prisonniers ont confirmé sa déclaration.
Comment pourrais-je punir ces derniers, alors qu'un inspecteur greffier-comptable ne respecte pas le règlement .


(Fin page 39)


Il y a quelque temps, un détenu surpris alors qu'il transportait un bidon de 5 litres d'huile prélevée sur la ration de ses camarades , m'a avoué que RAMBELOSON était son meilleur client. Quand je vous aurai dit que notre greffier mène une campagne acharnée contre le président TSIRANANA  qu'il ne trouve pas assez anti-français, qu'il a voté NON au référendum, vous comprendrez pourquoi je me méfie de lui
.Je crois qu'il ne serait pas inutile que vous le signaliez à certain commandant de nos amis.


........


Antandroy
M. CADY se prépare à quitter TULÉAR  et un nouvel inspecteur provincial sera nomme.
Voici quelques passages de sa lettre du 15 janvier :

.......

Ça marche, ça marche  même presque trop bien, en ce sens que je suis pris dans un engrenage que j'ai déclenché et que je suis "noyé" dans la paperasse qui arrive de toutes les prisons.
réellement ce n'est pas possible de continuer ainsi .
la maison centrale suffit à occuper un homme , faire aussi l'inspecteur provincial  quand on travaille pratiquement seul devient un tour de force.
A part un détenu je n'ai personne capable de m'aider et il y a 23 prisons dans le province.
Pas d'adjoint, pas de greffier-comptable .... C'est dur .
MARIGNY viendra-t-il bientôt ?
Je souhaite lui passer une partie de mon fardeau.
Je rentre de Fort-dauphin où la situation n'est pas mauvaise.
STEFANI m'a dit qu'on avait promis de le nommer à Tuléar ?
Il m'a fait bonne impression, il est plein de bonne volonté et il vaudrait peut-être mieux un "vazana" à Tuléar plutôt qu'un "gache" comme gardien-chef.
Mais la situation de cet homme est lamentable. Il est père de 4 enfants. Il gagne 23.000 francs par mois et ne perçois rien pour ses gosses. Il aimerait rester gardien-chef mais on lui offre 45.000 et logé à la voirie de Fort-Dauphin. Si vous ne lui donnez pas l'équivalent il va nous lâcher et ce serait peu^-être dommage car c'est un homme intelligent et instruit dont le juge et le chef de "circauto" m'ont dit beaucoup de bien.


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1960 2/28 Fort-Dauphin





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Je vous rendrai compte dans mon rapport que je vous adresserai sur mon passage à Fort-Dauphin de l'intention  du chef de la "circauto" de partir en guerre  contre notre décret lors du passage proche du président TSIRANANA.
Ce monsieur qui qualifie cette réforme de grotesque épouse à fond les revendications des chefs de district de Bétroka et d'Ambovombé et se fait fort d'obtenir des réformes qui leur remettront en main la disposition des prisonniers qu'ils prétendent ne pas pouvoir payer.
Je crois qu'ils tentent une épreuve de force et j'espère que vous allez tenir bon, M. FOURNIER et vous pour ne rien changer à une réforme qui s'annonce bien, les demandes  de cessions arrivent de partout.
Fort-Dauphin
J'ai encore des ennuis avec le co-divise qui voudrait me passer la liquidation des crédits  ( provinciaux) de l'exercice 1959 dont la situation est fort embrouillée et en gros dépassement.
Fort de la lettre du ministre qui précise  que je ne serai liquidateur que pour l'exercice 1960 , j'ai refusé tout net. Ce monsieur fait pression sur moi en fonction de son grade supérieur au mien dans la police. Je ne me laisserai pas faire et je vous demande de me soutenir à ce sujet. C'est à lui qu'il appartient, à mon sens, de clore un exercice budgétaire dont il est liquidateur et atout à fait à une certaine époque pour que je ne sois pas.
...




Puis le 3 février, M. MATHEI, dont je n'avais eu qu'à me louer,mais dont le comportement entraînait une levée de boucliers venant de tous les horizons fut nommé  inspecteur pour la province de Fianarantsoa et un intérim le remplaça à Majunga.
 A Tuléar il y avait également quelques difficultés. Ces situations font l'objet des deux lettres ci-après :

...

(fin page 40)


.... (M. MATHEI)

Faisant suite à notre conversation téléphonique du 2 février, j'ai l'honneur de vous demander de bien vouloir reporter d'une semaine mon départ de Majunga pour Fianarantsoa, via Tananarive, c'est à dire du dimanche 14 au dimanche 21 février.
Je désire en effet, tout d'abord pendant ce court laps de temps ( mais peut-être suffisant) exécuter les licenciements indispensables  pour ramener l'effectif total des agents  du service pénitentiaire ( y compris les agents de police qui servent  à la maison centrale de Majunga et les agents du service pénitentiaire qui jusqu'au 31 janvier émargeaient au budget des T.P.) à 240, comme je m'y suis engagé.
D'autre part il me faut non seulement passer les consignes ( déjà compliquées dans une province presque inorganisée) à mon intérimaire, mais encore le mettre au courant de la marche à suivre pendant mon absence , enfin de lui donner toutes directives utiles pour lui éviter les heurts avec les autorités et, plus simplement, pour la régularité du service.
Il y a aussi cette question de local que j'espère pouvoir résoudre sous peu grâce à la bienveillance et l'amitié de monsieur le docteur RAKATOVOARIVOANJANAHARY , contrôleur général et maire de Majunga,qu'il me témoigne que je lui rends bien ( mon dévouement est toujours fonction de l'affection et de la confiance que l'on veut bien m'accorder).
Je ne lui ai pas parlé de ma mutation car je ne suis pas du tout certain que ce qu'il ferait pour moi il le ferait pour Paul, Jacques ou Jean  et je suis même persuadé du contraire.
Lorsque je lui parlerai de cette mutation, car je serai bien obligé de le faire, je lui dirai la vérité c'est à dire  que ce n'est pas un remplaçant qui vient à Majunga mais un intérimaire et que je ferai la navette  entre Fianarantsoa et Majunga tous les deux mois environ ........
Il y a un grand nombre d'agents du service pénitentiaire à renvoyer  mais aussi il y en a qu'il  faut impérativement garder   car nous devons tous penser à la France.
Or je me flatte (je suis bien le seul à le faire hum ! hum !)  d'avoir engagé une majorité d'agents qui pensent français.
Dans cet ordre d'idées j'ai constitué à Marovoay , un petit groupe sur lequel il est possible de compter en toutes circonstances.......
Prendre la province de Fianarantsoa dans les conditions que je connais ne me complaît guère, je dois bien l'avouer et vous vous en doutez mais, bah !, le père MATHEI est bien seul à pouvoir débrouiller la situation ce qui, entres parenthèses, lui fait tout de même plaisir car il pense, il espère, que l'on voudra bien lui laisser  dans la légalité les mains libres comme monsieur ALEXANDRE l'avait fait lorsqu'il était chef de province à Majunga .




........ ( M. CADY)

Je viens de recevoir de MARCURIGNY , une lettre qui m'a profondément déçu et c'est un peu un S.O.S. que je viens lancer aujourd'hui.
Votre dernière lettre m'annonçait son arrivée  et la votre, pour les premiers jours de février.
C'était très bien ainsi et je m'en réjouissait .J'aurais eu le temps de mettre mon remplaçant au courant et de lui passer le service ......
Je mène depuis deux mois une vie de chien au bureau jusqu'à 20 heures et plus de sieste par 35° à l'ombre ce n'est pas idéal.Je ne sais pas si vous vous en rendez bien compte  mais je vous dis franchement qu'il n'est pas possible à un homme seul de cumuler plus longtemps les fonctions de gardien-chef et d'inspecteur : un inspecteur qui n'inspecte rien parce que trop pris par le bureau ;  ce n'est que grâce à une pratique du métier que j'ai pu "étaler" jusqu'à présent mais je suis  débordé.
Au bureau de la maison centrale je n'ai comme secrétaire  valable qu'un agent-greffier qui ne connaît rien d'autre que ses registres d'écrou ....
Je fais le greffier comptable et je dois avoir l'oeil à tout, le niveau intellectuel des fonctionnaires  du sud est bien inférieur à celui des autres régions. Je sais pertinemment que mes collègues gardiens-chefs  ou directeurs des maisons de force sont beaucoup mieux partagés. 
Coté inspection, il y a l'inspecteur et  .... pas grand'chose ! une vieille machine prêtée par la province et deux ou trois détenus vaguement lettrés qui entassent au petit bonheur les pièces venues des 23 prisons de la province .


.....


(début page 42)


Et il y a certainement la liquidation des crédits, sans comptable.
J'ai déjà passé quelques agréables soirées à essayer d'établir la répartition  entre les différentes prisons, je n'ai pas terminé et cependant  les pièces comptables commencent à affluer.
Dans ces conditions je me demande comment je vais en sortir !




La situation était don très délicate, tant à Majunga qu'à Tuléar . Je réussis cependant à calmer les esprits en procédant à quelques mutations et le 9 février je recevais  une nouvelle lettre de M. CADY , alors en inspection à Morombé et il me rendait compte de sa visite dans les termes suivants :

Je vous ai adressé par le courrier d'hier une demande d'emploi en tant que secrétaire-comptable formulée par M. CAPDESSUS ; l'avis très favorable que je lui ai donné n'est pas un avis de complaisance ( genre avis RAKOTOMALALA   pour qui j'ai eu la main un peu forcée par le secrétaire de ....
CAPDESSUS TIENT TOUTE LA COMPTABILITE , et la paperasserie de la brigade, dans ce domaine c'est un as qui serait précieux pour l'inspecteur qui , avec cet homme au bureau, pourrait alors vraiment inspecter.
Si son recrutement est possible aux conditions qu'il demande  je vous conseille vivement de mettre le grappin dessus , ce sera une bonne affaire.
Par contre je sais maintenant que le nommé RAKOTOMALALA est criblé de dettes  ( plus de 100.000 francs) et a trafiqué avec les fournisseurs de la commune dont il gardait les factures en instance de liquidation si les intéressés ne lui graissaient pas la patte pour en activer la liquidation.


....


Une histoire quelque peu comique me fut également adressée par lettre venant de Morondava.
Je ne peux résister au plaisir de la reproduire in-extenso :

....

(fin page 42)


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1960 3/28 Fait divers concernant un vazaha


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Cher Monsieur,

Veillez , je vous prie, bien vouloir accepter mes excuses pour la liberté que je prends de vous écrire personnellement, mais il s'agit d'un cas délicat  pour lequel je sollicite vos conseils et que je soumets à votre décision.
Il s'agit  ......

.....

Jusqu'à présent, je n'avais pas tellement à me louer de ses services puis qu'il a élevé le "moramora" à la hauteur d'une institution  et que le peu qu'il veuille bien faire, je suis encore obligé de le superviser soigneusement, telles les fiches techniques que j'établis moi-même.

Mais cela serait en sorte que demi-mal  puisque, depuis 25 ans de service, il n'a jamais su déployer un zèle exagéré et continue à vivre dans une douce euphorie  trop souvent accentuée par l'abus des spiritueux.

Ce qui est plus fâcheux, c'est que M. X..... défraye maintenant la chronique scandaleuse de notre petite ville par ses amours vulgairement tumultueuses.

Certes, c'est le droit le plus absolu de m. X... de mener la vie privée de son choix avec l'élue de son coeur. 
Ce qui est regrettable , c'est que les traverses orageuses de cette liaison donne à son voisinage un spectacle gratuit qui n'ajoute rien, bien au contraire, au prestige de l'administration et de nos compatriotes.

Voici les actes de cette tragi-comédie burlesque  qu'on pourrait intituler " Amour et Pancrace" :
depuis près de trois ans M. X..... vit avec une fille du pays dont le moins qu'on puisse dire, c'est que la pauvre ne sera jamais élue Miss Madagascar.

Outre un très mauvais caractère elle est affligée d'une atrophie des deux bras qui la fait surnommée 
Caïman.
"Tanan voay  - Patte de caïman" .

Ce n'est évidemment pas de sa faute mais si l'Amour, parait-il, est "enfant de Bohême" il est aussi en l’occurrence fortement myope.

La dulcinée en cause est une véritable tigresse douée, par surcroît d'une prodigalité remarquable  fort préjudiciable aux intérêts de notre compatriote  et d'un tempérament volcanique  qui se manifeste à loisir pendant les absences du maître de céans.
L'année dernière M. X...  avait interrompu son idylle  pendant quelque temps, mais la fille s'est accrochée et est revenue partager la couche  et le portefeuille de son protecteur.
Jusque là, rien don d'anormal que le déroulement d'une histoire trop banale.
Mais M. X..., sans doute à l'instigation du sieur Z...; ( gérant indélicat d'un dépôt qui vient de purger 7 mois de geôle et qui, comme par hasard, avait jadis bénéficié des faveurs de l’héroïne qu'il avait engrossé) qui désire se mettre en popote avec lui, a chassé la donzelle non sans que les échos de la scène n'ameutent le voisinage et la police.

Tenace, la fille est revenue en "squatter" occuper les lieux , se refusant obstinément de déguerpir et demandant, entre autres choses, trois mois de salaire à M. X....., qui, en désespoir de cause, s'est réfugié pendant huit jours à l’hôtel en demandant l'aide de la police et l'appui de Mr. le Président du Tribunal.

Samedi dernier, en présence des policiers, Mr. X... a sorti de sa case les objets appartenant à son ex-compagne et les a déposés sur la varangue.
La propriétaire des 23 robes et des 6 paires de chaussures a rappliqué comme une vraie furie, insultant les agents et menaçant M. X... de mort.

Mais, et c'est là que le drame se perpètre, vint le soir.
dissimulée dans le jardin la délaissée attendit le retour de M X... et de Z... et pénétra dans la maison comme un bolide véhémente et menaçante.
alors un grand désordre s'ensuivit .
des coups violents furent échangés.
dans le feu de l'action M. X ...   se trouva déculotté dans la cour  et son adversaire lui fit une prise sournoise autant que douloureuse à ce que j'appellerai les "bijoux de famille" .
Finalement , les deux hommes ont flanqué à la perturbatrice une sensationnelle raclée dont elle a du faire soigner les marques à l’hôpital.

Cet intermède imprévu de catch qui rappelle certain épisode de "Clochemerle"  s'est déroulé devant une foule assez nombreuse et goguenarde manifestant sa réprobation envers les mauvais vazaha  qui se mettaient à deux pour corriger une pauvre malgache, sans d'ailleurs intervenir, pas plus que la police qui,comme les carabiniers, est arrivée prudemment sur les lieux une fois le combat terminé.

Il est évident qu'en réalité, c'est M. X... qui est la victime de cette harpie trop tenace, il aurait pu trouver une manière plus élégante et surtout moins fracassante pour rompre cette liaison.
Il aurait pu également se dispenser d'en arriver à de graves sévices.
Mais il est vrai qu'il a peur de la fille , forte comme un boeuf qui lui a promis , ainsi qu'aux policiers, de leur couper les .... avantages.
L'histoire ainsi contée serait humoristique si toute la ville ne s'en gaussait et si M. LE Préfet, Mr. Le Président du tribunal  et M; Le Commissaire de Police n'en étaient saisis.
la seule solution que préconisent ces autorités administratives et judiciaires est l'éloignement de M. X... qui a d'ailleurs terminé son séjour depuis plusieurs mois.
Comme je lui disais qu'il pouvait être déplacé, il m'a déclaré qu'il ne partirait pas, qu'il n'était pas fautif et qu'on verrait qu'il était de taille à se défendre.

Hier encore, M. Le Préfet me disait combien le départ de M. X.... serait souhaitable, tant pour sa sécurité personnelle que pour le maintien de l'ordre public et il m'a demandé de vous pressentir à ce propos.

je suis très ennuyé par cette affaire si déplorablement scandaleuse mais je ne désirerais pas que M. X... en soit gravement sanctionné  au risque de compromettre une carrière par ailleurs arrivée à son terme.
Je tien X... pour un brave type, car il a "le coeur sur la main"  mais aussi pour un pauvre type qui sera perdu si il retourne en France maintenant.
Sa femme et se trois enfants vivent chez son frère, lequel pousserait un peu trop loin l'amour fraternel en le remplaçant non pas seulement auprès des enfants.
D'après es dires, M. X.... serait un pactole pour cette famille qui ne lui en manifeste aucune reconnaissance et qui ne cesse de réclamer toujours plus d'argent .
Comme sa concubine a contracté en son nom auprès de plusieurs commerçants des dettes appréciables, X ... n'a non seulement pas un sou d'avance mais encore de lourdes charges.
En somme, c'est la fille qui est la lus grande coupable en l'affaire car c'est elle qui a provoqué le scandale et non M. X....  qui n'a fait que se défendre et bien mal encore.On ne peut que lui reprocher de n'avoir pas réglé cette affaire avec fermeté et discrétion.
Mr. Y ... fonctionnaire vaguement allié avec la  fille lui a enjoint de quitter la ville.
Peut-être suffirait-il de laisser passer le temps qui effacera cette sordide aventure ? 
Peut-être pourrait-on envoyer M. X... en mission.
d'ici son retour l'affaire serait oubliée.
Je vous serais reconnaissant des conseils que vous voudrez bien me donner concernant cette malheureuse affaire. Je vous demande aussi de bien vouloir l'examiner avec toute l'indulgence que vous jugerez compatible avec la gravité de ce qui n'est, somme toute, qu'une explication extra-conjugale, un peu vive et le dénouement brutal d'une impossible liaison.
Je vous prie de bien vouloir agréer etc ........

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Le famadihana, ou retournement des morts, est une coutume funéraire que l'on rencontre dans la plupart des tribus de Madagascar. Bien qu'apparu assez tardivement semble-t-il dans l'île (peut-être seulement après le XVIIe siècle), tout au moins sous sa forme actuelle, le famadihana se situe dans le prolongement de la vieille coutume des « doubles funérailles » très répandue avant l'époque moderne enAsie du Sud-Est mais aussi en egypte antique ainsi que dans le Proche-Orient ancien (dans l'ancien Israël, à Babylone ou par les zoroastriens en Perse)et dans la Grèce antique.
Selon la philosophie malgache, les mânes des défunts ne rejoignent définitivement le monde des ancêtres qu'après la corruption complète du corps, au bout d'une longue période pouvant durer des années, et après l'accomplissement de cérémonies appropriées. Le rituel consiste à déterrer les os des ancêtres, à les envelopper cérémonieusement dans des tissus blancs et frais (lamba) et à les promener en dansant autour de la tombe avant de les réenterrer. À Madagascar cependant, cette réinhumation (littéralement retournement) finit par devenir périodique, en général tous les sept ans, dans une grande festivité réunissant tous les membres du groupe. À cette occasion, les linceuls de soie recouvrant les restes mortuaires décomposés de plusieurs corps sont renouvelés.
De nos jours, la pratique du famadihana tend à se raréfier, en raison d'une part du coût souvent élevé de la cérémonie, et de l'autre de l'impact de l'influence occidentale, par l'intermédiaire notamment de l'influence chrétienne.





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1960 4/28 Le valakira, pêcher avec la marée.

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Il est intéressant de lire les nombreux travaux de toute sorts qui sont réalisées à Nosy-Lava et exposés dans la lettre du 11 février.
Poissons et crevettes
Crevettes
Il est bon de préciser que le valakira est un piège à poisson et qui a été réalisé dans une partie de la baie où la marée est très grande : plus de deux mètres de hauteur.
A quelque cent mètres du rivage j'avais donné l'autorisation de faire une enceinte faite de grillage et fermée jusqu'à la terre.
A marée haute la mer montait au-dessus du grillage et à marée descendante elle repartait pat les trous du grillage laissant sur place les poissons très nombreux dans la région.
Lorsque la marée était complètement basse, il n'y avait lus qu'à les ramasser sur le sable.
On pouvait aisément "récolter" 200 kg de poissons, ce qui améliorait la nourriture des détenus et même a permis quelque fois d'en donner aux établissements pénitentiaires de la grande terre.
par ailleurs l'emploi gratuit de la main d'oeuvre pénale me causait bien des problèmes.Jusque là, les fonctionnaires et quelques autres utilisaient gratuitement des prisonniers en qualité de boy, de cuisinier ou autre domestique.
En accord avec M. le Ministre je décidais que dorénavant cette main d'oeuvre ne serait accordée que sur paiement de 75% du salaire d'un ouvrier.
Je ne voulais pas la supprimer, car elle permettait aux meilleurs de préparer leur réinsertion mais j'estimais que les employeurs devaient participer aux dépenses obligatoires des prisons ( logement, nourriture, habillement, gardiennage, etc....).
Cette décision fut pas appréciée de tous et à  Nosy-Lava d'abord, et dans toutes les provinces ensuite ce fut un tollé.
Mais après sept à huit mois cette façon de procéder fut admise.
Voici quelques extraits de la lettre du 11 février de M. LUCAIN :


......


Je me félicite d'avoir fait faire des kilomètres de canaux de drainage partout où nous avons défriché et mis en culture ( à peu près quatre fois la superficie qui existait).
Grâce à cela et à l'élargissement de la rivière les dégâts ont été insignifiants .


Canne à sucre
Pourtant le maïs a l'air de souffrir de l'excès de pluie.D'après les anciens d'ici, il a été semé beaucoup trop tard, ce qui doit être exact puisque celui que nous avons semé cinq semaines plus tôt est devenu magnifique.


Nos essais de canne à sucre donnent des résultats surprenants et nous allons en intensifier la culture.
Le valakira fonctionne à merveille pour l'instant et nous faisons des pêches miraculeuses.
Cela ne durera peut-être pas d'un bout de l'année à l'autre , toujours est-il que le grillage est payé" depuis longtemps.
Je viens de faire installer un séchoir , et lorsque nous aurons une certaine réserve de poissons salés et séché, je pourrai vendre le surplus de poisson frais.
Les détenus aiment autant le poisson que la viande, ce qui m'a permis de les nourrir de façon satisfaisante , bien que je n'ai pas encore reçu la caisse d'avance de janvier.
D'ici peu je vous ferai parvenir un rapport complet  des travaux effectués depuis votre dernier passage. Vous verrez que nous ne chômons pas, puisque m^me les dangereux travaillent. Je viens de leur faire faire une route permettant l'accès à la plantation de canne à sucre.
Bananes
A la ferme, en dehors de la porcherie qui est terminée, j'ai fait faire un poulailler dans le genre de la canardière , avec une case pour le détenu qui est chargé de la surveiller.
La maison en dur où habitera l'agent responsable de la ferme est, elle aussi, à peu près terminée.
J'ai fait planter au moins deux cent nouveaux bananiers qui poussent très bien.Lorsqu'ils produiront je n'aurai aucun mal à vendre les régimes.
L'interdiction aux fonctionnaires d'employer de la main d'oeuvre pénale  gratuite a provoqué un tollé général.Le juge, entre autres,  se montre assez virulent. Il ne manque pas de me faire de petites vacheries chaque fois que l'occasion s'en présente.pourtant comme vous le savez, je n'y suis pour rien.
Lors du dernier passage de la commission de surveillance, M. le juge de section, en tant que président de ladite commission, a établi un P.V. de visite.
A l'article 3 il est dit :
"Travail insuffisant pour un grand nombre de détenus"


(fin page 46)






Je me demande comment M. le juge peut affirmer de telles choses, puisqu'il ne m'a jamais demandé quels étaient les travaux en cours et qu'il m'a refusé de les visiter lorsque je lui ai proposé.Cette assertion me fait bondir, car je suis certain de tirer le maximum de rendement des prisonniers, surtout avec le peu de personnel dont je dispose.J'ai été sur le point de lui répondre comme il le mérite, mais j'ai craint que vous me désapprouviez.
Afin que vous vous rendiez compte du ton employé par le monsieur,,je vous joins une autre de ses âneries.Je serai heureux que vous me disiez ce que vous en pensez.
Lorsque la commission de surveillance doit venir à Nosy-Lava, je reçois l'ordre de mettre la vedette  à sa disposition, tel jour, à telle heure.
D'après les récentes instructions  du ministère des finances, est-ce bien régulier , 
La vedette de la maison de force étant le seul moyen de communication avec la grande terre, il me semble qu'il serait plus logique que le district assure le passage de la commission.


...... LE JUGE DE LA SECTION D'ANALALAVA ......:


"
J'ai l'honneur d'attirer votre attention sur la situation des détenus  employés sur la vedette de votre établissement, les nommés LUDOWSKY et RANDRIANABOLO Stanislas.
Il es désirable que ces individus ne traînent pas en ville  lors du passage de la vedette à Analalava. sauf nécessité de service particulière dont vous voudrez bien me tenir informé, ils devront se présenter des leur arrivée au gardien-chef de la maison d'arrêt .....


... Nota de M. LUCAIN ... :


Jamais ces détenus ne traient en ville.
LUDOWSKY se rend parfois à la gendarmerie pour se mettre en rapport avec le radio  et discuter des dispositions à prendre concernant leur travail commun. En ce qui concerne RANDRIANABOLO Stanislas qui est mécanicien de la vedette, il y a des années qu'il aide le vaguemestre à faire les courses et jamais il n'a commis la moindre sottise. Je comprends mal pourquoi M le juge a attendu jusqu'à ce jour pour le trouver dangereux ....... Je dois préciser, qu'avant l'interdiction d'utiliser la main d'oeuvre pénale gratuite,  bon nombre de prisonniers circulaient librement sans que personne n'y trouve à redire.




.......




Puis le 22 février une autre lettre de Nosy-Lava m'informai des difficultés rencontrées dans la situation scolaire :

Mon effectif s'est maintenu à 21 à cause des départ.Toujours pas de fournitures bien qu'elles m'aient été annoncées; Peut-être le 14 Juillet !
Les enfants sont décevants comme les adultes , paresseux comme des couleuvres et ne s' intéressent à rien ....


Le lendemain une autre lettre me fait connaître que la situation à Nosy-lava  est toujours difficile avec le personnel et il en est de même à Tuléar ainsi que m 'expose l'inspecteur dans ses lettres 25 février , 3 et 4 mars .....


........ NOSY-LAVA ........

Je ne vois pas pourquoi, alors que Nossi-Bé est largement pourvu, je suis, moi, forcé à faire le greffier, le comptable, etc..... d'ailleurs si il arrive un pépin de ce coté là, je vous aurais assez prévenu que ce n'était pas mon métier.
Plus je connais l'individu que vous m'avez imposé, moins je vis.
Dès que je ne surveille plus ' et je ne peux me déguiser en garde-chiourme perpétuel - il passe son temps avec les fortes têtes.
Je sais qu'il fait de la politique.
L'aide-greffier SATOU  étant également parti, ce détenu est le roi du bureau ( greffe et comptabilité !) .
J'ai été extrêmement peiné quand vous m'avez imposé ce gars là. Je ne pense pas que vous l'ayez vu, car physionomiste comme vous l'êtes, vous ne m'auriez pas dit de le prendre comme greffier.
vous savez que je n'ai aucun ouvrier spécialisé ,
Je suis forcé de prendre la truelle et de faire le couvreur pour monter aux détenus ce qu'ils doivent faire. Je ne pense pas qu'il y ait à Madagascar un autre directeur de prison qui fasse ce que je fais .Je voudrais au moins, quand je suis sur les chantiers, avoir l'esprit tranquille en ce qui concerne le travail de bureau.
Ceci bien compris, je vous confirme que je ne regrette, en tant qu'individus, ni SATOU ni RAMBELOSON, qui étaient des ivrognes et des trafiquants.
A part GOZIE et trois ou quatre agents, je ne peux compter sur personne. Je me lève presque toutes les nuits car je me suis aperçu que la plupart du temps les gardiens dormaient, au risque de se faire étriper et de laisser étriper tout le monde.En outre, s'y je n'y allais pas moi-même, ils laisseraient pourrir des centaines de kilos de poissons dans la valakira plutôt que de se déranger. tout cela parce que je reçois de la Sûreté que des raclures.  .....
Les installations électriques de GESLIN  laissent tellement à désirer que nous avons failli griller au milieu de la nuit. Un court-circuit a mis le feu à la toiture de chaume de notre chambre-pigeonnier, mais la lueur m'a heureusement réveillé à temps.   ...
Alors que j'ai à me bagarrer avec les détenus et les agents , GESLIN passe son temps à les pousser à me désobéir, en disant que je fais mon petit Napoléon ...;
J'avais toujours cru qu'au début de l'année 1960, l'administration pénitentiaire n'aurait plus rien à voir avec la sûreté. Cela m'est pénible d'être pris entre deux feux. Je n'en veux d'ailleurs nullement à la Sûreté, car je trouve très logique qu'elle essaie de récupérer ses meilleurs agents et de se débarrasser des ordures.
Je croyais que nous ferions nous même notre nouveau recrutement et que nous pourrions faire un tri. J'aimerais savoir pour ma gouverne quelle est la position du service pénitentiaire à cet égard .




..... TULEAR 25 février ......

En ce qui concerne la Province il vaut mieux ne pas compter sur elle , la force d'inertie règne en bloc dans ce fortin et je pense qu'il vaut mieux se débrouiller seul , ce qui n'est pas toujours facile,.la question du licenciement sera scabreuse et posera quelques problèmes du fait que la plu^part des agents recrutés  sont d'anciens militaires ayant plusieurs années de services,cela sera à prévoir dans le préavis, quant à moi je commence à établir la liste noire.
La question de STEFANI est importante  car la maison centrale a besoin d'un gardien-chef, de plus si l'on tarde, le logement disponible de CADY risque de disparaître au profit de la Province ........
Ne parlons pas des gardiens-chefs qui à part DAVID  et peut-être STEFANI ne sont pas capables d'assurer correctement leur service ......






.....   3 mars ........




La maison centrale est sans gardien-chef et mon temps disponible  ne peut guère me permettre de m'en occuper, dans quelques jours les vais installer les bureaux au service pénitentiaire : 
avec qui ???
Un détenu chargé du courrier (libérable dans six mois) un détenu chargé de la liquidation ( libérable dans quatre mois)  et voilà avec quoi je vais travailler. Il y a environ 104 agents à licencier, des mutations en quantité à prévoir et surtout beaucoup de difficultés avec Mrs les chefs de Districts.




...   4 mars ......


Comme suite à ma transmission adressée à M. Charles EMILE  il faut prévoir le licenciement de 112 agents et non 80, mais il ne faut pas effrayer la haute Direction. Je prépare actuellement un premier départ de 50 environ car avec mon personnel à compétence limitée je ne peux guère faire mieux .....
Lorsque je vais aller en tournée, et cela sera nécessaire très bientôt,  surtout à Bétroka, il me sera impossible de laisser mes bureaux  à la merci de mes prisonniers, même sous la surveillance d'un gardien car cela sera une belle pagaille à mon retour, et je veux l'éviter.Or Monsieur CAPDESSUS est toujours disponible et je pense qu'il pourrait être recruté comme agent NENA avec application de l'article 28 comme monsieur STEFANI.
C'est un garçon capable et sérieux et je crois pouvoir compter sur lui.


....


(fin page 48)


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1960 5/28 Vie courante .

Article précédent : 1960 4/28 Le valakira, pêcher avec la marée.

Je pris alors toutes dispositions  utiles en vue de remédier à la crise du personnel dans les différents établissements pénitentiaires de l'île et le 8 mars une longue lettre de Nosy-Lava  m'apportait quelques apaisements  sur la situation dans cette maison de force, malgré quelques difficultés avec les représentants des église et de l'enseignement.



.... Nosy-Lava 5 mars ......

En vous disant que je suis seul, sans personne sur qui je puisse compter, je veux parler uniquement de mon travail intérieur .....
Il faut croire que j'ai de la veine puisque tout va bien pour l'instant du coté du greffe. Mais c'est avec un gros soupir que je verrai arriver un type capable de s'occuper de ce travail.
 Vous devez deviner avec quel plaisir j'ai appris que vous étiez désormais le seul chef de vos troupes.
J'ai surtout apprécié vos premières réactions; les six agents qui en ont fait les frais les apprécient beaucoup  moins.
Trois sont venus me supplier de les garder, ce qui m'a permis de leur passer un bon savon et, bien entendu, de leur dire qu'ils auraient du réfléchir plus tôt.
 Les autres agents après un moment de stupeur se sont ressaisis dans le bon sens.Jamais depuis que vous m'avez confié  la direction de al M.F. ils n'ont fait autant de zèle.D'autant pus que je leur ai fat un petit laïus  pour leur annoncer que désormais ils ne dépendaient  plus que de l'administration pénitentiaire. J'ai terminé en disant que si certains étaient mécontents  et ne voulaient pas se plier à la discipline que j'exige d'eux,  ils pouvaient démissionner. J'ai même précisé que vous aviez sous la  main des gardiens sachant tus lire et écrire et triés sur le volet pour les remplacer. ils ont compris que le rapprochement n'était pas en leur faveur. Je pense avoir touché juste car maintenant ils sont mignons tout plein.
GESLIN devait s'attendre à ce qui lui arrive car j'ai appris de source sûre   qu'il a commencé depuis une quinzaine de jours à emballer ses affaires. Lorsqu'il déménagera, il faudra faire au moins trois voyages de vedette, tellement il a emmagasiné de fourbi.Personne ne le regrettera ici; Je pense d'ailleurs que si vous m'envoyer un agent mécanicien ( même si ce n'est pas un as) , il n'y aura pas besoin de le remplacer; Mais jusqu'au bout il aura montré son manque de savoir-vivre.
Comme vous le savez le 7 février dernier, j'ai organisé une fête au profit de l'orphelinat de la police.
Cela n'a pas trop mal marché  puisque nous avons pu envoyer une somme de 36.000 francs  à M. ROUSSEAU qui est chargé de ramasser les fonds pour cette oeuvre de charité.
Vous devez vous rendre compte que chacun de nous y amis du sien puisque, à part  quelques fonctionnaires d'Analalava  ( plutôt constipés du portefeuille) , personne d'autre n'est venu, l'interdiction de transporter  des passagers autres que les fonctionnaires m'étant parvenue quelques jours avant;
Eh bien M. GESLIN  n'a même pas daigné apporter son obole.Comme dans toutes les grandes occasions ( début d'émeute, incendie, etc....) il s'est renfermé dans sa tanière.
Hôpital RAVOAHANGY  ANDRIAVANOLA
Croyez moi lorsque je vous dis que je n'ai jamais rencontré un tel individu.
Je reçois à l'instant votre télégramme m'annonçant l'arrivée prochaine des tenues pénales et que nous en ferons nous-même l'assemblage. c'est une excellente idée. Dommage que nous n'ayons pas une autre machine à coudre car j'ai deux tailleurs parmi les détenus.
peut-être pourrions nous faire des travaux pour d'autres communautés, l’hôpital d' Analalava  par exemple .....
Cela me fait penser à mon fidèle GOZIE . J'aimerai le récompenser  et s'y vous n'y voyez pas d'inconvénient, je pourrais lui donner la case de GESLIN SI COMME JE LE PENSE CELUI-CI N'EST PAS REMPLACE.
Non seulement GOZIE serait fou de joie, mais je renforce ainsi son prestige auprès des gardiens. Autre avantage je l'aurai sous la main en cas de besoin .....
Vignette de France métropolitaine
Mission des pères jésuites
Tananarive'
En ce qui concerne le passage sur la vedette des ministres du culte, je vous avoue que je préférerais de loin ne pas leur accorder. que ce soit le ministre catholique ou le ministre protestant, ils sont aussi nuisibles l'un que l'autre  ....
d'après des renseignements sûrs ils passeraient leur temps à monter la tête aux 'bougnoules" pour les empêcher de travailler. ils ne doivent d'ailleurs ne pas avoir beaucoup de mal.
En ce qui concerne les recettes, nous n'avons fait que 4.000 francs en janvier, un peu plus de 10.000 en février , et nous comptons qu'elles augmenterons progressivement . Toutefois, nous ne pouvons pas espérer faire grand'chose  si nous n'avons pas un moyen plus rentable que les noix de coco ou le poisson.
Je vous ai proposé deux solutions :
1°  les travaux de couture, mais pour cela il nous faudrait une autre machine à coudre,
2°  des travaux de menuiserie, mais là aussi il nous faudrait des machines outil.
Si j'avais pu avoir un peu d'argent j'aurais pu également développer l'élevage de la volaille, ce qui nous aurais permis de vendre des poules, des canards et des oeufs.






..... Nosy-Lava  6 mars ........


Je vous signale que la dernière soubique  (*) contenait plus de la moitié en cèleri vert immangeable et poireaux comme des crayons  et avec tout leur vert ......Dites leur donc de ne plus envoyer de cèleri, de couper les queues des poireaux et de mettre plus de pommes de terre. Quils n'oublient pas l'ail et le thym .
..........




Le 7 mars c'est M. MATHEI qui a des difficultés financières et le 8 mars, M. DOMENGER, l'inspecteur de Diégo-Suarez  m'informe de son rapatriement sur la France alors que son remplaçant M. BENARD  n'est pas encore arrivé :


J'ai passé  le service au brigadier MOMABY mon adjoint , comme vous me l'avez demandé.Il vous adressera les procès verbaux et inventaires réglementaires.
En attendant M. BENARD, M. MOMABY assurera la liquidation des affaires courantes. Il serait prudent de ne pas le laisser seul trop longtemps.......


( extrait de la lettre de M. DOMENGER )

;;;;;;;;

Il est intéressant de noter l'évolution de la situation à Nosy-Lava.
Le 21 mars M. LUCAIN me rendait compte en ces termes :

...... Je vous demande  d'abord votre accord pour mettre deux ou trois détenus à la disposition de Dr. PEYTRAL , puis l'autorisation de mettre GOZIE dans la case de GESLIN lorsque celui-ci partira.Je sais que nous avons encore un mois devant nous, mais la femme de GOZIE a le moral de plus en plus bas et j'ai l'impression que lui-même commence a être gagné par le cafard.Leur logement est par trop inconfortable et je crains fort  que si nous ne pouvons pas y apporter une solution,  GOZIE ne finisse par demander son changement, tellement il est énervé de voir sa femme se lamenter.  La pauvre qui est obligée de garder la chambre à longueur de journée a évidemment sujet à récrimination.
Leur case qui est exposée en plein soleil, couverte de tôles et sans plafond, est une véritable étuve. Pour ma part, je ne pourrais pas y tenir plus de 5 minutes. Inutile de vous dire que si je perdais GOZIE je serai fortement handicapé........




....
L'assemblage des tenues pénales se fait à une allure record bien que nous n'ayons qu'une seule machine très usagée ( Elle vient de Sainte-marie).
Je pense que ce mois ci nos recettes dépasseront 30.000 francs . a propos vous demandez dans quel but je veux développer la plantation de canne à sucre. C'est tout simplement parce que je suis certain que je pourrai en vendre la récolte, même si nous en faisions 10 fois plus.


... J'ai presque terminé une citerne cloisonnée, d'une contenance de 60.000 litres .Malheureusement, je ne peux pas encore la faire remplir  parce que je n'ai pas reçu les robinets que j'ai commandé. Je crains que lorsqu'ils arriveront, les pluies seront terminées et mon travail n'aura servi à rien.




§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§

Un petit intermède de sourire avec la lettre suivante de M. Marcel FRANGUIDAKIS que m'a fait parvenir le directeur de la maison de force de Nosy-Lava,
 et que bien entendu, je n'ai pas transmis à son destinataire :
Lettre de M. FRANGUIDAKIS
( cliquez droit pour agrandir)

(fin page 50)


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Les 28 et 30 mars je recevais de  M. MATHEI un compte-rendu concernant l'agent RATISBONNE et les visites d'inspection de la région
(extrait ci-après)
L'agent RATISBONNE est un triste sire.Je suppose qu'il prendra fort mal sa mutation à Marovosy car il désire impérativement être en service à Tuléar pour y continuer sa propagande A.K.F.M. (*)et particulièrement anti-française. Je pense et j'espère qu'il n'acceptera pas son affectation  dans la province de Majunga et donnera sa démission, ce qui sera une bénédiction des dieux.
Quoiqu'il en soit je me permets d'insister afin qu'il ne soit pas fait droit à sa requête d'affectation dans la province de Tuléar où il continuerait à faire de la propagande en uniforme ....





(*) soubique : sobika en malgache

(*)
A.K.F.M. :
Parti du Congrès de l’indépendance de Madagascar
en malgache
Antoko'ny Kongresi'ny Fahaleovantenan'i Madagasikara)




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1960 6/28 Mars

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Je compte, malgré les difficultés signalées ci-dessus reprendre la route le 4 avril , pour me rendre à Ifanadiana , Mananjary, Farafangana, Vangaindrano, Voudrozo et retour.
Manajary
Durée prévue de l'absence : une semaine.
Je n'ai pas encore terminé complètement la rédaction de mon rapport d'inspection à Ihosy, Betroka, Iakora et Ambalavo , mais il sera posté avant la fin de la semaine.
Pour Betroka sans entrer dans les détails, à mon avis, qui ne peut que prévaloir, il serait utile de :
a) faire déplacer le juge de section.
b) muter le gardien-chef ( la prison, plus exactement la cour, était dans un état de saleté repoussant).


Ambalavo


......




De Nosy-Lava, je reçois toujours de longs compte-rendus , quelques fois optimistes, mais le lus souvent pessimistes.
Ainsi le 31 mars la situation suivante m'est exposée :


........


Ces soucis ( de vedette) n'ont jamais existé pour mes prédécesseurs.
Je m’aperçois que tous les avantages qui faisaient supporter l'exil disparaissent peu à peu.
C'est ainsi que mes prédécesseurs étaient approvisionnés en légumes par Tana  et que moi je ne reçois plus rien.
 Comme je suis réfractaire eu riz, je souffre énormément  de n'avoir pas quelques "truches"  à me mettre sous la dent.
En cette saison hormis les brèdes (*)qui sont les légumes de base des malgaches,  les légumes "civilisés"  viennent très mal : les carottes ont de belles feuilles avec un petit morceau de bois en dessous.J'ai seulement des salades et des cornichons.
J'espère que la saison qui vient sera meilleure et je m'estime heureux d'avoir à profusion des brèdes ( mafana, bevamao et autres) et des pet-saï pour les prisonniers.
vous devez vous rendre compte de la quantité nécessaire pour alimenter 413 détenus.
Cela en représente des sacs par jour !
J'aurai bientôt du maïs mais je pense qu'il faudra le conserver pour la semence de l'an prochain ......
Il y a trop de retard dans la livraison des matériaux que je demande. ainsi je viens de recevoir ce qui est nécessaire à la construction  des citernes, mais je crains fort que lorsque nous aurons exécuté les travaux , la saison des pluies ne soit terminée. déjà nous n'avons plus que de petits orages qui vont en s'espaçant.
J'ai quand même des consolations : les travaux que j'ai fait.
En tête vient le valakira qui est tombé à pic puisque nous n'avions plus de viande.
Quand à la volaille les jeunes commencent à pondre et nous avons fait quelques couvées ( dont plusieurs mangées par les rats et les serpents) .
débordé comme je suis , il me répugne de faire du travail inutile, entre autres, le numérotage des cocotiers avec des bouts de tôle......Je me contente de faire compter les cocotiers et de les classer suivant les catégories que M. JUPPEAU m'a indiquées.


(fin page 52)


Les quatre gardiens arrivés me font très bonne impression.Ils me serviront certainement à accomplir la petite révolution que j'ai déjà amorcée et qui m'a valu de me faire traiter de napoléon par GESLIN 
La vieille équipe à du plomb dans l'aile depuis le départ des MANANJARA, ESAROTRO, RAMBELOSON , etc....
Pirogue malgache
D'autre part, l'évasion de deux détenus nous a permis de faire arrêter le plus grand trafiquant de Mahabo , lui même ex-prisonnier, Les deux évadés ont avoué s'être mis  d'accord avec lui au préalable pour leur transport sur la grande terre; le prix était fixé à 5.000 francs . Évidemment les deux lascars et leur complice ne s'attendaient pas à une riposte aussi vive de notre part : quelques instants après la constatation de leur fuite, nous avions enlevé tous les balanciers des pirogues, avant que la marée ne soit favorable.
Je pense être débarrassé du dit complice à tout jamais, car c'est lui qui fournissait le chanvre le toaka (*)aux détenus et, hélas, à certains agents : MANANJARA était son principal associé. a propos de ce dernier, j'ai été sidéré d'apprendre qu'il avait été promu au grade de chef de poste à Majunga ....
Je crois que vous m'approuverez lorsque vous saurez à quel point je prends soin de mes prisonniers,.même des plus retors. Des deux évadés , l'un a été retrouvé dès le deuxième jour de sa fugue ; le second a résisté douze jours. Le "pôvre"  a bouffé toutes sortes de saloperies pour subsister . Lorsque nous l'avons repris, il nous a supplié de lui donner  manger.J'allais lui faire servir un repas substantiel, mais j'ai heureusement réfléchi à temps qu'un repas trop copieux venant après un long jeûne pouvait lui occasionner un embarras gastrique.J'ai donc jugé raisonnable de lui faire prendre auparavant une purge ( très dosée). Il a été très sensible à mes bonnes intentions  mais encore plus au sulfate de soude. D'après les agents, s'il avait couru aussi vite pour se sauver que pour aller aux "chiottes", il n'aurait jamais été repris. toujours est-il qu'il est maintenant en parfait état et prêt à subir une rallonge de trois ou quatre ans.














(*) bredy mafana
(*) toaka :




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1960 7/28 Fin du premier trimestre



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Il faut croire que j'ai des dons pour la médecine et mes traitements d'avèrent efficaces puis que Paul RAMANANJARA , l'auteur du coup de couteau qui a fait tant de bruit lors de mes débuts ici, s'en trouve très bien;Depuis des mois , sa santé laissait à désirer et il se présentait à la visite au moins trois fois par semaine.J'ai vu immédiatement d'ou venait le mal; après une première purge au sulfate de soude, et une deuxième à l'huile de ricin, l'amélioration est très nette puisque Paul ne s'est jamais représenté à la visite.
J'attends avec impatience la senne annoncée ; je suis persuadé qu'elle nous rendra de grands services, cet autre genre de pêche nous permettra de compenser l’irrégularité des prises au valakira  qui sont par trop fantasques. Comme j'ai déjà eu l'occasion de vous le dire, les bancs de poisson sont chassés au large par les raies géantes qui restent dans nos parages en ce moment. Nous venons d'en prendre une seconde qui fait 3m,80 d'envergure.
J'ai eu le 26 février la visite de la commission de surveillance. J'espère que le rapport final sera cette fois conforme aux observations portées sur le cahier et qui sont toutes élogieuses. je pense vous faire plaisir en vous signalant que la dernière observation est : jardin parfaitement tenu.
M. DIFFENBACH, membre de la commission en tant que conseiller général, m'a vivement félicité pour tout ce que j'ai fait ici, mais le plus grand enthousiaste a été le malgache adjoint au chef de district.




.......;


Malgré toutes mes difficultés, notamment en ce qui concerne le personnel de gardiennage, ce premier trimestre de l'année 1960 se terminait avec de plus grandes satisfactions. mais il y avait encore beaucoup à faire .....


1960
Fin du premier trimestre


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1960 8/28 Deuxième trimestre

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1960
Deuxième trimestre


Le deuxième trimestre commençait par une lettre de M. MATHEI sur l'utilisation de la main d'oeuvre pénale et les difficultés de relations avec l'administrateur COMBE.
.......


Ambositra
La résidence le 14 juillet
Delcampe
Faisant suite à notre récente conversation téléphonique,j'ai l'honneur de vous rendre compte de ma surprise en apprenant que monsieur l'administrateur COMBE  n'était en aucune façon d'accord avec les propositions faites au sujet de la cession de la main d'oeuvre pénale gratuite au district d'Ambositra.
Ne vous avait-il pas dit qu'il assurait le transport des détenus et du matériel nécessaire à la prison ?
En ce qui concerne la construction des cabinets d'aisance il galège lorsqu'il déclare que ce travail lui reviendrait à 500.000 francs ... puisque :
1° La main d'oeuvre serait fournie gratuitement et que
2°  les briques pourraient provenir, et gratuitement de la briqueterie , s'il avait voulu se donner la peine, comme il me l'avait assuré, de la mettre en route; En résumé beaucoup de paroles en l'air.Je dois avouer que je n'avais pas eu une bonne impression en le voyant car il en mettait trop.
La permission qu'il vient d'accorder au gardien-chef de la maison d'arrêt est une preuve formelle des entraves qu'il désire apporte à l'exercice du service pénitentiaire. et c'est pourquoi je vous adresse, ci-joint, l'avertissement destiné au gardien-chef de la maison d'arrêt d'Ambositra en vous demandant de bien vouloir le signer et me le renvoyer pour envoi, ensuite, à l' intéressé.
J'ajoute que je soupçonne monsieur l'administrateur COMBE d'être l'instigateur de la circulaire concernant les télé grammes que je vous expédie par ce même courrier.Très dangereux, ce monsieur, mais ce n'est pas parce qu'il est marié à une métisse malgache ( charmante au demeurant)  ce qu'il chante à tous les échos, et au point d'oublier qu'il est français  ( parfaitement, j'ai un témoin), qu'il peut espérer saboter impunément le décret de réorganisation du service pénitentiaire signé du Président de la république. Je me permets d'insister pour que vous vouliez bien signer l'avertissement au gardien-chef d4ambositra, dont il aura, sans nul doute connaissance.
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J'ai signé et renvoyé l'avertissement en cause et je n'en n'ai jamais eu aucune suite.

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Le 18 avril  une brise d'air frais me semblait venir de Nosy-Lava avec la lettre ci-après :

Depuis votre départ, le grand évènement a été  l'ouverture du magasin au milieu de l'enthousiasme général.Les agents vous bénissent car nous leur avons dit que  c'est vous qui avez décidé l'ouverture. Le succès a dépassé nos prévisions car, bien que nous soyons à une semaine de la paie, les recettes ont été satisfaisantes, malgré le manque d'une grande partie de marchandises.
Nos discussions sur l'avenir nous ont bien convaincus : nous allons suivre vos conseils.Dès que nous aurons vendu notre maison nous vous demanderons des tuyaux pour placer notre argent.


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Vous serez bien gentil de nous envoyer au plus tôt 500 gr de levure. Inutile d'en envoyer d'avantage elle ne se conserve pas.

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Mais les 5 et mai, nouvelle alerte de Nosy-Lava.
Tout d'abord une lettre de M. LUCAIN à M. DANIEL, le gardien de phare, est assez virulente. Elle m'a été communiquée pour information par l'expéditeur.
Phare Diégo-suarez
J'interviens alors et la mise au point qui suit m'est rapportée par M. LUCAIN :


(début page 55)


"


De M. LUCAIN à M. DANIEL, gardien de phare,






J'appends par mon directeur, M. PLANCHON, que le cdt LIONNET lui a téléphoné  pour lui exprimer sa surprise d'avoir reçu  de vous 2 factures de 450 francs chacune pour location de pirogue pour effectuer votre ravitaillement à Analalava. 
Je vous met au défit de  prouver  que je vous ai une seule fois refusé de vous transporter des marchandise.
La preuve en est que le jour même où je recevais le riz pour approvisionner le magasin de détail de la Marseillaise  ( que j'ai réussi, après de nombreux efforts ,à installer à Analalava) la vedette de la maison de force vous en transportait un sac que aviez fait acheter à Analalava.
Hier encore , deux maries-jeannes de vin vous arrivaient, toujours par notre vedette : M. BARON , directeur de la marseillaise pourrait en témoigner.


Compagnie Marseillaise de Madagascar


Vous semblez prétende que nous ne vous rendons  aucun service. 

Je vous rappelle qu'à votre arrivée, vous avez été reçu avec votre famille à la case de passage de la maison de force.
Marius MOUTET
sur timbre des T.A.A.F.
Tous vos bagages ont été transportés par les prisonniers de la jetée au phare. Par la suite vous avez reçu beaucoup de marchandises qui ont toujours été acheminées jusqu'au phare de la même façon.La totalité de votre mobilier n'a-t-elle pas été conduite par nos soins jusqu'à chez vous ?
Messieurs GEOFFROY et HARDY, du service des phares et balises, venant de France, pourraient dire que sans mon aide il n'auraient jamais pu mener à bien le travail qui leur était assigné ( un des éléments du phare pesait à lui seul 650 kilos).
Ils l'ont du reste déclaré en ces termes a l'équipage du Marius MOUTET, dont plusieurs membres me l'ont répété.
Le baliseur va repasser à Nosy-Lava incessamment et je vous invite à venir répéter devant ces messieurs qui, je le crois, ont su apprécier, que je n'ai jamais rendu service aux phares et balises.
par contre, j'attends encore un premier service de vous.
Lors de l'incendie de brousse de juin dernier, j'ai passé une journée et une nuit avec tous mes agents et les détenus, à protéger le phare. 
 A ce sujet, vous feriez mieux de vous creuser les méninges à imaginer des petites mesquineries, de faire faire un pare-feu autour du phare. la saison sèche est dangereuse ici et peut-être aurez encore avant peu, besoin de la maison de force.
Je vous ai demandé une fois un service :
de me prévenir si vous aperceviez un détenu évade.
Lorsque vous avez déclaré l'avoir vu dans votre cour je vous ai demandé pourquoi vous ne m'aviez pas fait prévenir ; vous m'avez répondu que "ce n'était pas dans votre budget mais dans le mien".






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Cette lettre de M. LUCAIN faisait suite à une correspondance que m'avait fait parvenir M. DANIEL et j'en avais demandé des précisions et des détails.
Après avoir écrit à M. DANIEL, M. LUCAIN me faisait parvenir la lettre suivante :




.....
J'ai bien reçu votre lettre du 2 mai. Le "coup de pied en vache" du gardien de phare ne m'a pas surpris, car il était au mieux avec GESLIN.
Je vous avis déjà dit que GESLIN avait proclamé à Analalava que je me prenais pour Napoléon ( parce que j'ai fait cesser son trafic) . DANIEL m'a resservi le même boniment, ce à quoi j'ai répondu que si j'étais l'empereur de l'île, il était, lui,  le roi des c....
D'autre part vous avez reçu un exemplaire de la mise au point  écrite.
comme vous me l'avez demandé , il pourra utiliser la vedette quand il en aura besoin.
D'ailleurs je demande instamment , lorsque le commandant LIONNET viendra , qu'il interroge les trois gardiens  de phare indigènes. Il verra que je n'ai jamais refusé de leur rendre service. DANIEL seul, a cherché des histoires.Il a prétendu que j'avais envoyé promener un des gardiens nommé BRAHIM. Ce dernier est venu lui même me dire qu'il était mécontent d'avoir été ainsi mis en cause, que cela était faux.
Un fait va vous prouver que je ne suis pas une terreur comme le prétend DANIEL : c'est que les trois employés du phare m'ont adressé des demandes pour avoir un poste à la maison de force.
Cette question là est donc liquidée.


(Fin page 55)

Je vais incessamment écrire à mon ami JUPPEAU pour lui apporter quelques précisions.
J'ai semé des graines de salade qu'il vient de m'envoyer, il y a plus d'une semaine , et je suis ennuyé car elles ne sortent pas, sortent à peine. Si toutes les graines sont de m^me qualité ce sera la catastrophe.
En outre, il m'a envoyé, sans que je lui demande, des graines de brèdes mafana alors que je pourrai lui en vendre de quoi ensemencer plusieurs hectares.par contre, il ne m'a pas expédié les graines de cerfeuil et de persil que j'attendais avec impatience.
Compagnie Marseillaise de Madagascar
Paddy
ris non décortiqué
sur timbre de Malaisie.
Le paddy est arrivé à Analalava dans un état déplorable. Les sacs étaient complètement pourris et je voudrais que vous rappeliez l'expéditeur  à l'ordre.M. BARON de la CMM ,qui a assisté au déchargement, m'adit qu'ils avaient du paddy  jusqu'au genou dans le bateau, et qu'une partie avait été mouillée.Cette combine de débarquer  à Analalava les marchandises et les détenus à destination de Nosy-Lava me semble être une histoire de fous . Je pensais que l'expérience du ciment aurait servi de leçon et je m'attends d'ailleurs  à une catastrophe un de ces jours si une solution raisonnable n'intervient pas. Encore une fois , l'utilité d'un boutre affecté à la M.F.  est démontrée ........
J'attends vos instructions concernant la vente du poisson sec.J'en ai déjà un beau stock et je pourrais en commencer l'expédition dès que vous m'en donnerez l'ordre.Pour ma part je crois sincèrement que si l'on trouve du bois léger, l'expédition par caisses serait plus rationnelle.
Pendant que nous sommes "dans le poisson" avez vous des nouvelles de mon fameux filet ,
Le magasin marche de mieux en mieux. Il manque malheureusement beaucoup d'articles, mais M. BARON  nous a donné l'assurance que cette lacune serait bientôt comblée.






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