1959
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Ainsi le 3 mars 1959, j'étais officiellement nommé Chef du service de l'Administration pénitentiaire et, non, Directeur comme tout le personnel me qualifia.
Je reçus des félicitations de très nombreux amis et notamment de M.
Jacques FOCCART en service à la Présidence de la république auprès du
général de GAULLE , de M.
Roger FREY qui devint Ministre de l'Intérieur, de M.
Pierre BAS, député , ....
Mais où était donc l'Administration pénitentiaire ?
Elle n'existait pas, Madagascar étant jusqu'alors territoire de la République Française,
il n'y avait pas de Ministère de la Justice avant la nomination de
Maître FOURNIER
et les prisons, réparties sur tout le territoire (elles étaient au nombre de 89) ,
dépendaient uniquement des services de police qui en assuraient le gardiennage et la gestion.
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Carte établie en 1960
situant les :
* maisons de force et centrale
* maisons d'arrêt
* maisons de sûreté
Superficie équivalente à celle de la France métropolitaine et de la Belgique.
Timbres
Plan interactif Google Maps
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Il me fallait tout organiser : les locaux, le personnel, les attributions , les ravitaillements , etc. ..., mais j'étais également obligé de partir en congé de fin de séjour, quitte à demander mon retour par anticipation.
Et il y avait également les pressions de toutes sortes de la part de certains qui voyaient dans ce nouveau service une sinécure de choix.
Dès le 3 avril je recevais une lettre de madame
ANDRIAMANANA qui sollicitait pour son mari une place en qualité d'adjoint, mais ses désirs de salaire étaient trop élevés pour le modeste budget dont je disposais.
Pour l'installation de mon service je louais un appartement de quatre grandes pièces Avenue de la Libération.
Une dizaine d'adjoints et de secrétaires malgaches me furent affectés et me furent très dévoués.
Je divisais alors le territoire en six régions :
Tananarive
Tamatave,
Tuléar,
Fianarantsoa
Fort-dauphin,
et
Diégo-Suarez
à la tête desquelles je nommai six inspecteurs de l'administration pénitentiaire qui furent tout d'abord les six gardiens-chefs de service en ces villes à ce moment là :
mais il me fallait également deux gardiens-chefs musclés pour les maisons de force de Nosy-Lava et Nossi-Bé où étaient les détenus condamnés à plus de cinq ans de travaux forcés.
Pour le poste de
Nosy-Lava je demandais à un ami de longue date habitant les environs de Tananarive : M.
LUCAIN de bien vouloir exercer les fonctions de gardien-chef et à son épouse qui en avait les qualités , d'assurer la scolarité des enfants des gardiens, car cette île située dans le canal du Mozambique, au large d'Antalava n'était peuplée que de quelques familles malgaches disséminées et sans aucune organisation administrative.
Seule la maison de force représentait une entité.
M. et Madame
LUCAIN acceptèrent bien volontiers cette tâche et je dois dire d'ores et déjà qu'ils m'apportèrent un concours précieux fait de dévouement et d'amitié.
(prison,bagne, fermé en 2000 ; ajouté par mes soins)
A Nossi-Bé, cette autre île située au nord-ouest du territoire la situation était différente car cette belle île, très touristique avait une population très complexe et était sans histoire vis à vis de la maison de force sise en plein coeur de la ville .
Je demandai à un ancien sous officier de la coloniale, M.
AUDRAIN, d'accepter de devenir le directeur de cette prison , ce qu'il fit bien volontiers.
Lui aussi m'apporta une aide précieuse et pendant toute la durée de mon commandement je n'eus qu'à me louer de son service;
Il s'agissait là des nominations les plus urgentes car les services de police étaient impatients de se libérer de la charge des prisons.
La répartition des établissements pénitentiaires fut approuvée selon l'organigramme ci après :
Le 22 mai, la famille
LUCAIN m'écrivait d'Analalava pour me faire connaître qu'ils avaient pris contact avec le juge et les gendarmes et que tout s'était bien passé, mais ils réclamaient les crédits nécessaires car ils avaient été obligés d'acheter la viande de la maison de force sans aucun subside.
Ils rejoignirent Nosy-Lava et le 28 mai je recevais deux lettres.
L'une de madame
LUCAIN qui me faisait part de ses difficultés et dont voici la teneur :
Nous avons été très surpris que vous me demandiez de me faire intégrer dans le cadre des institutrices auxiliaires.
Vous savez bien que j'ai quitté l'enseignement parce que je n'en pouvais plus et d'ailleurs je n'ai jamais exercé comme auxiliaire à Madagascar, le salaire étant dérisoire (23.000 je crois) .
J'ai fait des suppléances dans le secondaire officiel et j'ai donné des cours dans les établissements privés secondaires.
Autre ennui , une fois classée comme institutrice officielle , on me déplacerait sans me demander mon avis.
Si j'avais voulu faire carrière dans l'enseignement, j'y serait tout simplement restée car j'ai commencé à 20 ans.Mais je n'avais pas vraiment la vocation.
Avant d'entrer au haut-commissariat avec vous, j'avais vu M. CARLE et il a admis qu'à mon âge il ne serait pas intéressant de reprendre du service.
D'ailleurs il n'a jamais été prévu que je quitte le Ministère de la Justice.M. FOURNIER, le lundi 4 mai où nous avons déjeuné chez lui, m'a encore dit qu'ici il y aurait un instituteur malgache, que je l'aiderais en donnant des cours d'histoire et de géographie aux plus grands, et que je surveillerais surtout les enfants au point de vue hygiène.
Pour le moment il n'y a pas de "grands" ici.
Ils sont à Analalava ( jusqu'au cours complémentaire) et à Tananarive ou Tamatave dans les collèges.
Il n'y a pas d'urgence à rendre officiel l'enseignement puisqu'il n'y a pas de local idoine.
En outre à cause de l'épidémie de coqueluche, pas question que je réunisse les enfants.
Pas une famille n'y a échappé. J'ai reçu hier le sirop c'est un peu tard.
J'ai fait faire un tableau ( Je viens de voir qu'on annonce l'ardoisine ) parce que j'ai l'intention de faire une garderie où j’occuperais successivement les élèves de chaque classe avec l'aide d'un prisonnier instituteur.
Il me faut les livres que j'ai demandé et un dictionnaire Larousse.
Mais jusqu'à la fin de l'année scolaire, si proche, cet enseignement peut s"effectuer sans aucun caractère officiel ; ce serait plut^t un cours de vacances.
Il n'y aura du reste rien de stable, vu l'intense mouvement de personnel qui va avoir lieu.la moitié des agents s'en va et sera remplacé par des nouveaux et leur famille.par la suite quand les classes seront réellement constituées avec des instituteurs malgaches, il restera toujours les "moins de six ans" et la garderie deviendrait la garderie officielle du pénitencier, sorte de jardin d'enfants.
C'est pour une bonne part en raison des promesses que nous avons faites à ce sujet que des agents qui voulaient partir sont revenus sur leur décision.
Je vous rappelle que madame GESLIN a déjà fait une demande.
Par ailleurs une dizaine de prisonniers désirent s"instruire, entre autres deux de nos domestiques.
Je leur ai promis de m’occuper d'eux dès que vous m'aurez envoyé les livres.
Ceci entre dans mes attributions d’auxiliaire sociale de la prison, le moral des hommes s'en trouverait mieux.
Voilà pour l'enseignement........
Je pus donner satisfaction en partie à la demande de madame
LUCAIN grâce au budget dont je disposais et malgré quelques aléas dans les années qui suivirent je ne pus que me louer de l'enseignement et de la bonne tenue qui fut inculquée aux enfants de Nosy-Lava.
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